Il y a plus d’un an maintenant que la COVID-19 a provoqué un exode des lieux de travail. Les employés ayant de jeunes enfants ont eu à gérer des difficultés découlant de la fermeture des écoles et de l’apprentissage en ligne et se sont démenés pour garantir et maintenir les services de garde des enfants. Tandis que les employeurs sont à envisager le retour sur le lieu de travail compte tenu de la situation de santé publique qui s’améliore, ils pourraient avoir à traiter des demandes d’employés voulant préserver leurs arrangements de travail à distance en raison de problèmes continus au chapitre de la garde d’enfants. 

Même si les employeurs peuvent, de façon générale, exiger d’un employé qu’il travaille sur le lieu de travail (sous réserve des modalités individuelles du contrat d’emploi), les demandes visant des arrangements de travail modifiés pour des raisons de garde d’enfants peuvent aussi mettre en cause les dispositions du Code des droits de la personne de l’Ontario (Code) sur l’état familial. Par conséquent, les employeurs devraient connaître leurs obligations en matière de droits de la personne et les problèmes potentiels pouvant découler de l’objection d’un employé à retourner sur son lieu de travail.


Comprendre le fondement de l’objection

Les employés qui ont réussi à créer un équilibre entre les responsabilités liées à la garde d’enfants et le télétravail pourraient souhaiter conserver leur arrangement de travail à distance par choix personnel. Par exemple, un employé pourrait vouloir travailler de la maison pour gagner le temps et économiser l’argent associés au transport et à la garde des enfants. Bien qu’un employeur puisse envisager de prolonger les arrangements de travail à distance dans ces cas, le Code ne donne généralement pas le droit à un employé de continuer à travailler de la maison uniquement par choix personnel.

Toutefois, le Code peut être invoqué lorsqu’un employé démontre que l’obligation de retourner sur le lieu de travail causerait un « réel préjudice à la relation parent/enfant et aux responsabilités qui découlent de cette relation [notre traduction] ». Par exemple, la protection qu’offre le Code pourrait se cristalliser si le retour sur le lieu de travail « mettait l’employé dans une situation où il devait choisir entre travailler et prendre soin de l’enfant [notre traduction] » en l’absence d’autres solutions raisonnables en matière de garde des enfants1

Même si des services de garde sont disponibles, les circonstances personnelles de santé de l’employé ou de l’enfant peuvent faire en sorte que la famille ne peut pas prendre le risque accru d’exposition à la COVID-19 associé à des services de garde externes ou à la présence de l’enfant à l’école. Ce type de situation peut concerner la protection offerte par le Code en fonction de l’état familial et/ou de l’invalidité, selon les faits particuliers de chaque cas.

Adopter une approche individualisée

Lorsque le devoir d’accommodement de l’employeur est en cause, l’employeur doit évaluer ses obligations au cas par cas, en tenant compte des circonstances particulières de l’employé. Par exemple, un employeur ne peut pas s’appuyer sur une politique d’application générale obligeant tous les employés à travailler sur le lieu de travail si des questions liées à la situation familiale sont légitimement en cause. 

Cependant, l’employé a aussi le devoir de collaborer au processus d’accommodement. L’employé a l’obligation de fournir suffisamment d’information sur la nature des obligations liées à la garde de ses enfants et la disponibilité des services de garde, s’il en est, et de travailler conjointement avec l’employeur pour essayer d’en arriver à une solution2

Même si l’employé a droit à un accommodement raisonnable en vertu du Code, il n’a pas le droit d’insister sur un type d’accommodement en particulier3. Bien que l’employé puisse vouloir travailler de la maison à temps plein, il peut exister d’autres solutions. Par exemple, il convient d’examiner si d’autres modifications pourraient résoudre les inconvénients pour l’employé, comme le retour sur le lieu de travail mais selon un horaire de travail modifié ou le travail de la maison mais à temps partiel si l’employé peut disposer de services de garde à temps partiel. 

Les employeurs devraient aussi examiner si l’accommodement est de nature temporaire, p. ex. jusqu’à ce que l’école rouvre, ou si un accommodement à long terme est nécessaire, puisque cette donnée circonscrira les solutions potentielles. 

Le devoir d’accommodement n’est pas illimité, mais l’employeur est tenu d’accommoder un employé tant que cet accommodement ne lui cause pas un préjudice injustifié. Le Code prévoit qu’un « préjudice injustifié » est évalué par rapport au coût, aux sources extérieures de financement et aux exigences en matière de santé et de sécurité associés à l’accommodement. En dernier ressort, l’évaluation du préjudice injustifié est propre au contexte et dépend des circonstances particulières de chaque cas. 

Documenter le processus

À titre de mesure exemplaire, les employeurs devraient tenir des registres précis et à jour en ce qui concerne les arrangements de travail et les demandes d’accommodement des employés. Même si la demande de l’employé de continuer de travailler de la maison semble fondée sur un choix personnel plutôt que sur un motif de discrimination protégé par le Code, l’employé pourrait voir les choses différemment. Des registres des courriels et des lettres qui ont été échangés avec l’employé et des notes de discussions qui ont été tenues avec lui sont utiles du point de vue de la gestion des ressources humaines et deviennent essentiels si l’employé dépose une plainte pour atteinte aux droits de la personne.

Conclusion

Tandis que les restrictions en matière de santé publique se relâchent et que les employeurs envisagent le retour sur les lieux de travail, certains employés pourraient ne pas vouloir modifier leurs arrangements actuels de travail à distance. Les employeurs doivent examiner si l’objection d’un employé de retourner sur le lieu de travail découle d’un choix personnel ou si cette objection s’appuie sur des considérations liées à l’état familial en vertu du Code. Aux termes du Code, les employeurs ont un devoir d’accommodement, ce qui peut inclure autoriser un employé à continuer de travailler de la maison. En somme, la nature et la portée d’un accommodement seront fonction des circonstances particulières de chaque cas.


Notes

1   Misetich v Value Village Stores Inc, 2016 HRTO 1229 (CanLII), aux paras 43, 54 (Misetich) (en anglais seulement).

2   Misetich, au para 57; Espinoza v The Napanee Beaver Limited, 2021 HRTO 68 (CanLII), au para 97 (Espinoza) (en anglais seulement).



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